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Louis Taillefer |
27 septembre 2007
Louis Taillefer est l'un des plus éminents spécialistes au monde quand il est question des matériaux quantiques et des supraconducteurs. Depuis une dizaine d'années, plusieurs de ses découvertes ont fait grand bruit et on ne compte plus les distinctions qu'il a amassées. À l'origine de ces succès : une puissante intuition. «L'intuition, c'est ce qui guide les scientifiques. C'est d'ailleurs ce qui fait la différence entre les chercheurs et les trouveurs!» dit Louis Taillefer. Il ajoute avoir ressenti en 2005 «un saut quantique» dans la force de son intuition.
Quand il parle de sa démarche scientifique, le professeur Taillefer devient un raconteur extraordinaire. Il compare l'étude des supraconducteurs à une mer perdue dans un grand brouillard, où ceux qui s'y aventurent naviguent à tâtons. «Depuis la découverte des supraconducteurs à haute température, en 1986, plusieurs questions restent sans réponse. Nous sommes des milliers de chercheurs, chacun sur nos petits bateaux, à naviguer à gauche et à droite, bref, à essayer d'y voir clair. L'intuition est la seule voie à suivre pour se repérer. Or, le 27 février, dans cette mer, notre équipage a frappé du solide; on a touché une île! Les électrons nous ont parlé d'une voix claire – la plus claire jamais entendue – et nous ont dit des choses sans ambiguïté et très étonnantes.»
Les premiers fruits de l'exploration de cette «île» par l'équipe du professeur Taillefer ont été présentés à deux reprises déjà dans Nature, la plus prestigieuse revue scientifique.
Les électrons révélaient ainsi des éléments précieux sur leur nature : longueur d'onde, masse et charge, notamment. Une découverte lumineuse qui annonce aujourd'hui un virage majeur dans les recherches en vue d'abattre le principal obstacle, la température. «Actuellement, la supraconductivité n'est possible qu'à des températures de -150 oC, ce qui limite considérablement son utilisation. L'un des défis majeurs de la science contemporaine est donc de trouver le moyen de permettre la supraconductivité à la température ambiante», explique-t-il. Si cette énigme était résolue, ce serait le début d'une révolution technologique qui permettrait, entre autres choses, de développer des ordinateurs d'une puissance insoupçonnée.
L'intuition apparaît comme un élément primordial dans la vie de Louis Taillefer, tant dans sa démarche scientifique que dans ses choix personnels. «Aujourd'hui, l'intuition est ce qui me guide de plus en plus, dit-il. C'est d'ailleurs le message que je livre à mes étudiants. Il faut qu'ils apprennent à développer, à écouter et à suivre leur intuition, même si elle peut parfois nous faire prendre une trajectoire pleine de méandres.»
Et il en sait quelque chose. Par exemple, avant même d'avoir complété ses études collégiales, il avait décidé de mettre une croix définitive sur les bancs d'école, pour travailler sur une ferme. «J'ai adoré ça, mais au bout d'un an, j'ai ressenti le besoin de nourrir ma curiosité intellectuelle», raconte-t-il. Quelques années après ce détour, il s'illustrait parmi les étudiants en science à McGill et allait ensuite poursuivre ses études à Cambridge, puis à Grenoble.
Puis en 2001, suivant de nouveau son intuition, Louis Taillefer a fait un choix de vie qui aux yeux de plusieurs pouvait paraître peu conventionnel. Il avait le vent dans les voiles comme professeur à l'Université de Toronto, mais sa conjointe et lui souhaitaient offrir à leurs enfants une éducation offrant une pédagogie mieux adaptée à leurs besoins. Or, parmi les options, la région sherbrookoise était celle qui offrait le meilleur des deux mondes. «On a trouvé à Waterville, en Estrie, une école qui offrait la pédagogie Waldorf, une approche qui nourrit particulièrement le besoin de créativité des enfants. D'autre part, je connaissais la grande réputation des chercheurs de l'Université de Sherbrooke sur les matériaux quantiques. Le choix a donc été évident et nous sommes déménagés en Estrie.»
Louis Taillefer considère que Sherbrooke lui offre un environnement propice à l'avancement de ses recherches et il estime travailler avec une équipe «de dimension optimum» pour y arriver : «Je ne pense pas que ça irait mieux, ou plus vite, si j'étais à Harvard, par exemple. Le facteur qui limite ma recherche, ce n'est pas l'argent, c'est le temps. L'important, c'est d'équilibrer l'enseignement, les tâches administratives et la recherche. Certes, un tel équilibre est plus difficile à atteindre dans un petit département comme le nôtre.»
Par ailleurs, le professeur Taillefer entretient également des liens serrés avec d'autres chercheurs canadiens et étrangers, à titre de directeur du Programme sur les matériaux quantiques de l'Institut canadien de recherches avancées. Ce programme vient de voir son mandat reconduit jusqu'en 2013. Sherbrooke y est d'ailleurs très bien représentée, puisqu'elle compte 5 des 40 chercheurs canadiens qui en font partie.
Si l'intuition apparaît comme un puissant moteur pour Louis Taillefer, elle est aussi pour lui une source de réflexion : «L'intuition est un phénomène mal connu. Pourquoi en 2005 ai-je ressenti qu'elle m'appelait plus fortement? Je ne sais pas, mais je ne suis pas surpris. Est-ce lié au fait de vivre un sentiment de bien-être, de paix intérieure, ou de sentir qu'on se trouve dans un endroit où l'on est bien? Ça aide sûrement. En tout cas, la convivialité que je trouve ici me sied bien!»
Et les découvertes éclatantes de ce chercheur prolifique en sont la meilleure démonstration.
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